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Un « petit Nürburgring » au milieu de l’Auvergne : Charade

Un « petit Nürburgring » au milieu de l’Auvergne : Charade

Souvent comparé au mythique Nürburgring, le circuit de Charade a longtemps fait l’unanimité auprès de beaucoup de pilotes. Le grand Stirling Moss le considérait même comme « le plus beau circuit du monde ». Même si aujourd’hui, il n’apparaît plus au programme de grandes épreuves internationales et que son tracé a été fortement raccourci, il mérite bien qu’on se rappelle ses grandes heures.

 

Un lancement en deux temps

C’est pour commémorer les 50 ans de la victoire de Léon Théry, sur Richard-Brasier, à la coupe Gordon-Bennett que l’idée de créer un circuit dans la périphérie de Clermont-Ferrand voit le jour. Si le tracé est défini et que son inauguration est prévue pour 1955, le terrible accident des 24 Heures du Mans vient tout remettre en cause.

Le projet n’est pas enterré pour autant et c’est Louis Rosier, brillant pilote et enfant du pays, qui va se charger de convaincre Raymond Roche, directeur du circuit de Reims-Gueux et président de la commission des circuits internationaux, que la création d’un tracé à quelques encablures de Clermont-Ferrand, est possible.

Avec Jean Auchatraire, président de l’Association Sportive de l’Automobile Club d’Auvergne, et Pierre Pingeot, président de l’Automobile Club d’Auvergne, ils trouvent, du côté de Charade des routes départementales pouvant convenir à l’élaboration d’un parcours susceptible d’accueillir une compétition automobile. 

Après quelques discussions animées avec Raymond Roche, un consensus se dégage pour un tracé autour du Puy de Charade et celui de Gravenoire. Un aménagement, afin d’éviter la traversée des communes de Thèdes et Manson, est nécessaire, mais rien de très conséquent.

Grâce à l’implication du conseil général et des communes concernées par le projet, le budget est bouclé et les travaux peuvent commencer.

Ils débutent en 1957 avec comme objectif, l’organisation d’une compétition automobile l‘année suivante.

Le circuit fini fait 8,055km avec une configuration propre à son emplacement. Tracé dans une zone montagneuse, c’est un enchaînement de virages lents et de courbes rapides que viennent entre couper des passages moins techniques avec une ligne droite de 600 mètres placée avant la courbe de Manson. Autre caractéristique, il possède un dénivelé de 179 mètres avec des portions à 10% ce qui n’est pas habituel.

L’inauguration a lieu le 27/07/1958 avec les 3 Heures Internationales d’Auvergne et une course deFormule 2.

C’est Maurice Trintigant sur sa Cooper-Climax qui sera le premier vainqueur dans la course des monoplaces devant Yvor Bueb.

Charade 1958. Maurice Trintigant vainqueur en Formule 2.

Dans l’autre épreuve phare et à la surprise générale, c’est la Lotus XI d’Innes Ireland qui l’emporte devant 4 Ferrari 250GT. Sans doute la preuve que sur le très sélectif circuit de Charade, la puissance ne prime pas forcément.

3 Heures Internationales d’Auvergne 1958. Victoire d’Innes Ireland sur Lotus XI

Les GT et les Sports prototypes à Charade

 

Le circuit auvergnat va devenir rapidement incontournable pour tous les amateurs de compétitions automobiles. Le Trophée d’Auvergne passe rapidement de 3 à 6 heures. Il est incorporé au calendrier du championnat du monde des voitures de sport en 62 et 63. Ce sont d’abord les GT qui s’affrontent avec notamment, la victoire de Carlo Abate et Nino Vaccarella sur une 250 GTO en 62 mais aussi des Sports Prototypes avec Bandini associé au même Abate qui sortent vainqueurs en 63 sur une 250TR.

6 Heures d’Auvergne 1962. Abate/Vaccarella vainqueurs sur 250 GTO

Si les années qui suivent, la manche auvergnate ne fait plus partie du championnat du monde, cela n’empêche pas de continuer à voir les GT et Sports Prototypes s’y affronter. David Piper gagne en 66 sur une 365 P2/3 avant un triplé des GT 40 en 67 et une victoire d’Helmut Marko sur Lola en 71. Gérard Larousse va clôturer la période en gagnant en 1974, sur une Alpine A441, une manche du championnat d’Europe des voitures de sport.

 

Charade : de la Formule 2 à la Formule 1

 

Le circuit auvergnat va faire encore plus fort pour ce qui est des monoplaces. Si c’est tout d’abord les Formule 2 qui posent leurs valises aux pieds des volcans avec, notamment, la victoire de Stirling Moss en 1959, ce sont les Formule 1 qui vont finir par arriver en Auvergne.

En 65, 69, 70 et 72, ce n’est ni plus ni moins que le GP de France, comptant pour le championnat du monde de Formule 1, qui va se dérouler à Charade.

C’est Jim Clark et sa Lotus Climax qui l’emporte en 1965 devant Jackie Stewart. 

Celui-ci a plus de réussite en 1969 puisqu’il gagne sur une Matra-Ford après une lutte intense avec JP Beltoise.

GP de France 1969. Jackie Stewart vainqueur.

En 1970, c’est l’autrichien Jochen Rindt qui l’emporte sur sa Lotus-Ford en devançant Chris Amon.

 

GP de France 1970. Jochen Rindt vainqueur.

C’est de nouveau Jackie Stewart qui va l’emporter pour l’édition 72. Il finit devant Fittipaldi, ChrisAmon terminant sur la troisième marche du podium. Pour beaucoup, c’est ce dernier le vainqueur moral du GP, tant il a dominé les essais et la course avant qu’une crevaison l’oblige à passer par les stands. Il réalisera d’ailleurs lors des essais ce qui reste encore le record de la piste. Avec sa Matra, il parcourt les 8km en 2’53’’4 à une vitesse moyenne de 167,232km/h. Il renouvelera quasiment son exploit en course avec le tour le plus rapide en2’53’’9.

Chris Amon. GP de France 1972 

Charade : étape incontournable pour le Tour de France Automobile

 

Dès son ouverture en 1958, Charade va devenir une étape incontournable du Tour de France Automobile. 

 

Tour de France Automobile 1958. Olivier Gendebien N°164 vainqueur de l’épreuve.

Ce sont tous les plus grands pilotes qui vont venir en découdre sur le circuit aux 51 virages. 

De 58 à 64 puis, à la reprise de l’épreuve, de 1969 à 1973, il sera du programme. De la première victoire de Gendebien en 58 à celle de Munari sur sa Stratos en 1973 il verra défiler les plus belles GT de l’époque. Et même des sports prototypes puisqu’en 1970 et 1971, les Matra Simca MS650 puis MS660 devront passer par le circuit auvergnat avant de l’emporter.

Tour de FranceAutomobile 1970. Les Matra à la fête. JP Beltoise vainqueur de l’épreuve. 

La moto aussi

 

Pendant cette même période, Charade sera aussi le circuit choisit pour le Grand Prix de France moto. On y verra courir les plus grands champions, de Giacomo Agostini à PhilRead ou Barry Sheene. On y verra même JP Beltoise courir en 50cm3 sur Kreidlerou 125cm3 sur une Bultaco. 

Charade fait son cinéma

 

Quelques stars du cinéma ou de la chanson y feront une apparition puisque John Frankenheimer y tournera quelques séquences de son film à succès Grand Prix avec Yves Montant, JamesGarner et Françoise Hardy.

Charade devient un circuit permanent.

 

De part sa localisation, le circuit de Charade a toujours été difficile à aménager et à entretenir.

Situé dans une région volcanique très escarpée, il n’a pas été facile d’y construire des stands, une tour de contrôle ni même de l’entretenir. La piste, victime de ravinement, est régulièrement recouverte de scories volcaniques . De plus, comme la plupart des circuits de l’époque, il emprunte des routes départementales qui se dégradent, notamment en période hivernale, et doivent être rénovées régulièrement ce qui n’est pas facile sur un tracé aussi long.

Plusieurs accidents, dès la première course, ont fait des victimes ou ont causé de graves blessures comme celle qui touche Helmut Marko qui perd un perd un oeil suite à la projection de gravillons lors du GP de France 1972.

           Les 3 heures d’Auvergne 1958 

Le tracé sinueux, associé à une sécurité parfois défaillante, ne convient plus aux épreuves internationales. 

Un autre souci va également se greffer aux problèmes d’ordre sécuritaires. Les riverains commencent à se plaindre du bruit occasionné par les voitures évoluant sur la piste.

C’est en 1989 que le nouveau tracé est terminé. D’une longueur de 3,975km, il emprunte toujours une petite partie de l’ancien circuit mais ne comporte plus que 18 virages.

 

 Manson, Le Belvedère, Gravenoire sont abandonnés, un raccordement reliant les environs de la Ferme à l’ancienne ligne droite.

Sous la pression des riverains, le nombre de journées dédiées à la compétition est réduit à 10.

Depuis 2000, Charade devient un circuit permanent. Des bâtiments sont construits comprenant stands et tour de contrôle ainsi qu’une enceinte.

Plusieurs épreuves ouvertes aux voitures anciennes ont retrouvé le chemin de Charade tel le Tour Auto qui y est encore passé en 2023. Quelques manifestations réservées aux « classiques » y ont également lieu. 

Depuis 2020, le conseil départemental du Puy de Dôme confie l’exploitation du site à GCK (Green Corp Konnection) afin de promouvoir les nouvelles énergies. 

Même si on peut regretter que le grand circuit n’ait pas survécu, on peut se réjouir qu’un lieu aussi mythique existe toujours et que la défense du circuit menée depuis de longue date par quelques passionnés ait permis cela.

 

Crédit photos : Pinterest, La Montagne, Agissons pour Charade, Archives circuit de Charade.

 

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