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Georges Paulin : prothésiste, styliste et résistant

En considérant les Peugeot 302/402 Darl’Mat comme faisant partie des plus belles réussites de la carrosserie française des années 30, les spécialistes rendent hommage au talent de Georges Paulin qui réalisa en collaboration avec Pourtout une série de voitures marquant de façon durable cette période. Mais le prothésiste de métier ne fut pas que ça. Retour sur le parcours d’un brillant et talentueux designer.

Du travail de prothésiste au design automobile

Georges Paulin naît en 1902 à Paris. Très tôt, il est attiré par le dessin mais doit malheureusement mettre de côté sa passion, le décès de sa mère, à la suite du bombardement de Paris par les forces allemandes, le conduisant vers le métier de prothésiste dentaire.

Il se met rapidement à son compte, et reprend même ses études dans le but de devenir chirurgien-dentiste.

Georges Paulin

                                 

Mais sa vraie passion reste le dessin et plus particulièrement le design automobile mais pas que puisque capable de dessiner des luminaires, du mobilier ou même des bijoux. Mais il n’est pas qu’un créatif. Il invente des mécanismes qui bientôt vont lui permettre de se consacrer entièrement à sa passion.

C’est en 1931 qu’il se fait connaître en déposant un brevet permettant de transformer rapidement un cabriolet en un coupé. Baptisé Eclipse, le toit articulé vient disparaître dans le coffre de la voiture grâce à un système de tringlerie accouplé à des sandows.

On retrouvera ce principe du coupé/cabriolet quelques années plus tard lors de l’apparition de la SLK ou autres 206 ou 306CC.

Paulin réalise quelques maquettes pour présenter son invention et s’associe en 1933 avec le carrossier Pourtout avec lequel il réalise une Hotchkiss 4 portes. On retrouve un an plus tard, ce système appliqué à des Panhard et Lancia Belna avant que Peugeot lui porte un grand intérêt et l’intègre à son catalogue pour ses 401 et 601.

Peugeot 601 Eclipse

Peugeot 601 Eclipse

Peugeot continuera, jusqu’à la guerre, à exploiter le système mis au point par Paulin puisqu’on le retrouvera, de façon optimisée, sur les 302 et 402.

Peugeot 402 Eclipse

Peugeot 402 Eclipse

En 1934, Paulin imagine une 601 Eclipse à l’occasion du film réalisé par Marcel Pagnol, Le Schpountz. Ce modèle avec ailes en ponton laisse augurer de ce que seront les futures réalisations de George Paulin.

Peugeot 601 Eclipse du film le Schpountz

Peugeot 601 Eclipse du film le Schpountz

Les Darl’Mat aux 24hrs du Mans

Si c’est en 1933 qu’Émile Darl’Mat, concessionnaire Peugeot sur Paris, a présenté Georges Paulin au carrossier Marcel Pourtout c’est surtout à compter de 1937 que la collaboration entre les trois hommes va connaître une reconnaissance nationale. A cette date, la marque sochalienne ne possède pas de cellule course et seules quelques écuries privées se lancent dans l’aventure de la compétition au volant d’une Peugeot. C’est ainsi que Darl’Mat engage aux 24hrs du Mans 1937 3 voitures construites sur la base du châssis retravaillé de la 302 habillé d’une carrosserie type roadster, le moteur étant celui de la 402, optimisé.

Baptisée Datl’Mat « Spécial Sport », les trois équipages engagés brillent par leur régularité et fiabilité et terminent aux 7ème, 8ème et 10ème place au général. Elles montent sur le podium de leur catégorie puisqu’elles finissent 2ème et 3ème juste derrière une Adler Trumpf.

Peugeot 402

En 1938, le trio remet ça et c’est à une formidable 5ème place au général que Contet/De Cortanze place leur 402 DS Darl’Mat. Ils remportent également la première place de leur catégorie en devançant une Adler Trumpf.

402 DS Darl’Mat Le Mans 1938 5ème au général

402 DS Darl’Mat Le Mans 1938 5ème au général

Ces brillants résultats dans l’épreuve jugé par beaucoup comme la plus exigeante au monde, vont donner au concessionnaire parisien l’idée de commercialiser une petite série de 402 Darl’Mat qui seront vendues sous forme de roadster, cabriolet ou coupé.

402 Darl’Mat 1
402 Darl’Mat 2

Pourtout/Paulin : une collaboration prolifique

Ce n’est pas que sur des châssis Peugeot que le carrossier et son designer vont intervenir.

Sur base de Primaquatre, ils réalisent une petite série de cabriolet, coupé et coach.

Pourtout/Paulin
Pourtout/Paulin 2

Au salon de l’automobile 1937, est présentée au public une Delage carrossée par Pourtout sur un dessin de Georges Paulin. Le châssis est celui de la D8-120 Sport habillée par une carrosserie d’une grande modernité. La ligne est tendue au maximum et aucune aspérité ne vient perturber l’ensemble. La finesse des montants du pare-brise et l’absence de rupture entre la vitre latérale et la custode accentue la fluidité du dessin et en font une des plus belles Delage jamais produite.

D8-120 Sport

Une autres des grandes réussites du duo se fera sur la base d’une Bentley. 

En 1937, le banquier André Embiricos demande à Pourtout et Paulin d’habiller un châssis de Bentley 4 ¼ de litre qu’il vient d’acheter. Il en ressort une auto extrêmement bien profilée bénéficiant de performances de haut niveau. La carrosserie est plus légère de 150kgrs et le moteur, dont la puissance est portée à plus de 140cv, permet à la voiture de frôler la barre des 200km/h. C’est une vraie réussite qui suscite énormément d’intérêt dans la presse internationale. Malheureusement, la guerre approche et l’engagement envisagé aux 24hrs du Mans 1939 ne se fait pas. On retrouvera la voiture aux mains de son nouveau propriétaire, Soltan Hay, aux trois éditions d’après-guerre. Son meilleur résultat est une belle 6ème place en 1949.

Bentley 4 ¼ de litre

Soltan Hay et sa Bentley Steamline Embiricos lors de l’édition 1950

Soltan Hay et sa Bentley Steamline Embiricos lors de l’édition 1950

Un destin contrarié par la guerre.

Après un procès perdu contre Peugeot sur la libre utilisation de son brevet de toit rétractable, Paulin accepte, fin 1939, une proposition de Rolls Royce comme ingénieur conseil. Malheureusement, ce nouveau départ va rapidement être remis en cause avec le début des hostilités avec l’Allemagne.

Refusant la capitulation déclarée par Pétain, il s’engage dans un réseau de renseignements appelé Phill. Il est chargé de fournir des informations sur la Luftwaffe permettant ainsi aux avions de la Royal Air Force de venir, notamment, bombarder les usines Renault occupées par les Allemands. Afin de couvrir son activité de résistant, Paulin reprend son métier de dentiste. Il aura dans sa clientèle plusieurs officiers allemands mais aussi l’homme, membre de la police française, qui cherchait à l’identifier et capturer.

Il faudra la dénonciation d’une connaissance pour que la Gestapo française l’arrête. Il sera détenu et torturé pendant plusieurs mois avant d’être fusillé au mont Valérien en mars 1942. Pour être attaché au poteau d’exécution, Paulin devra être plâtré au niveau du torse et du cou.

De nombreux hommages lui seront rendus à la sortie de la guerre et une plaque à sa mémoire est apposée par la mairie de Paris au 3 place du 18 juin 1940. 

hommage à Georges Paulin

Ainsi disparaissait celui qui est encore considéré comme le plus grand designer automobile français de l’entre-deux-guerres.

Crédit photos : Pinterest, MC

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