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Le Mans 1978 : Renault Alpine au sommet

Alors que les éditions 76 et 77 des 24 Heures du Mans se sont mal terminées pour Renault avec, au final, des abandons , celle de 78 se présente comme un quitte ou double pour la marque au losange. Ses dirigeants ont tout misé sur l’épreuve mancelle et la défaite n’est pas envisageable. Retour sur cette unique victoire de Renault au Mans.

Tout pour la victoire

Renault-Alpine A443 Jabouille/Depailler


La cruelle désillusion que Renault a subi en 77 est encore dans toutes les mémoires quand l’édition 78 des 24Hrs du Mans se profile à l’horizon. La leçon a été retenue. Il ne suffit pas d’avoir une voiture performante pour gagner la course, il faut aussi avoir une auto fiable.Les problèmes moteurs rencontrés l’année précédente ont été identifiés et des essais poussés ont été menés, notamment sur des circuits comportant de longues lignes droites comparables aux Hunaudières. Une nouvelle voiture, plus compétitive, sera aussi sur la ligne de départ. La Renault-Alpine A443 est équipée du V6 Turbo de la A442, avec une cylindrée portée à 2140cm3 ce qui permet un gain d’une trentaine de cv par rapport à l’ancienne version. Elle sera pilotée par le duo de choc Jabouille/Depailler.
Pour l’accompagner, Renault pourra compter sur deux autres voitures officielles, l’A442B de Pironi/Jaussaud et l’A442A de Jarier/Bell. Une A442 privée aux couleurs de Calberson, conduite par le trio Ragnotti/Fréquelin/Dolhem, sera aussi de la fête.

Renault-Alpine A442 Ragnotti/Fréquelin/Dolhem


Les essais

C’est aux essais que les 4 voitures engagées vont pouvoir se tester face à la concurrence. Celle-ci est nombreuse puisque pas moins de 63 voitures essayent de se qualifier.
Rapidement, tout le monde prend conscience que cette édition 78 sera un remake de 77 et que seules les Porsche usine vont pouvoir s’opposer à la firme française.
Une version 78 de la 936 vainqueur en 77 semble être la principale menace. Elle réalise le meilleur temps en devançant de moins d’une seconde l’A443 pilotée par Patrick Depailler. Derrière, on retrouve en 3ème position la Porsche 935/78 de Schurti/Stommelen. Surnommée « Moby Dick », en raison de sa lointaine ressemblance avec le cétacé héros du roman d’Herman Melville, elle est extrêmement puissante, plus de 700cv, mais doit faire face à un sérieux handicap : sa consommation. Elle est telle que la voiture doit repasser par les stands toutes les 40 minutes environ ce qui la pénalise fortement.

Porsche 937/78 « Moby Dick » Schurti/Stommelen


Derrière, la logique est respectée avec une alternance d’A442 et de 936. La première voiture autre que ces deux marques est la Mirage M9 de Schuppan/Lafitte/Posey. Celle-ci est motorisée, aussi, par le Renault V6 2l Turbo indentique aux voitures françaises.

Mirage M9 Schuppan/Lafitte/Posey


La course

Quand le 10/06/1978 à 16hrs, Raymond Poulidor libère les 55 voitures alignées sur la grille, Jabouille bondit en tête et boucle le premier tour avec 10 secondes d’avance sur la Porsche N°5. Les premières heures de course, vont être compliquées pour la marque allemande. Des soucis d’injection et de turbo obligent deux des 936 à s’arrêter plusieurs minutes. Seule la  n°6 pilotée par Wolleck réussi à garder le contact avec les voitures jaunes.

Porsche 936/78 Barth/Wolleck/Ickx


C’est alors que l’A443 de Jabouille commence à souffrir de problèmes de vibrations qui l’obligent à repasser par les stands, lui faisant perdre la tête de la course.
Jusque dans la soirée, on assiste à un chassé-croisé entre les Renault-Alpine et les Porsche, les françaises réussissant à toujours maintenir une d’entre elles à la première place.
La nuit arrive avec son lot d’abandons. Bell sur l’A442A se retire vers 3hrs suite à un problème de couple conique. Les Porsche continuent à souffrir même si elles restent une menace pour les voitures françaises. A 10hrs du matin, la 936 n°5 est victime d’un accident, Jochen Mass sortant de la piste. A ce moment là, l’A443 est en tête devant l’A442B de Pironi/Jaussaud. Les deux 936 survivantes suivent aux 3ème et 4ème places.
Afin de limiter les risques, les ingénieurs de chez Renault décident d’abaisser la pression du turbo de la voiture de tête. Cette décision, contrairement à son objectif, s’avère fatale à la voiture. Depailler abandonne peu après, moteur serré.
Tous les espoirs reposent alors sur l’équipage de la n°2 qui mène avec 8 tours d’avance sur les Porsche 6 et 7. La deuxième Renault-Alpine encore en course se trouve juste derrière à la 4ème place.

Renault-Alpine A442B Pironi/Jaussaud.

Mëme si elle possède une belle marge de sécurité, l’angoisse monte dans le stand Renault. Les 936 rattrapent leur retard, d’autant plus qu’on demande à Pironi de lever le pied. Au dernier arrêt aux stands, alors que Jaussaud devrait prendre le relais, il laisse son coéquipier continuer, le jugeant plus à même de maîtriser une boite de vitesse de plus en plus rétive. Sous une chaleur intense, il s’évanouira à l’arrivée,  Pironi résiste et devance encore de 5 tours ses poursuivants quand il passe sous le drapeau à damier.
La victoire et enfin là pour l’équipe française, elle qui, par l’intermédiaire d’Alpine n’avait jusqu’alors remporté que des victoires au rendement énergétique, à l’indice de performance ou de classe.

Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud vainqueurs au général.


L’A442 Calberson finit 4ème, la 935/77 du team Barbour terminant 5ème et 1ère en IMSA.

Porsche 935/77 Redman/Barbour/John Paul Sr


A peine la victoire fêtée, Renault confirme qu’elle ne remettra pas son titre en jeu en 79, décidant de se consacrer en priorité à la Formule 1.
Nul doute que si les Renault-Alpine avaient continué à courir en endurance, elles auraient pu dominer la concurrence comme Porsche a su si bien le faire durant les années suivantes. Mais on ne refait pas l’histoire.

Crédit photos. Pinterest

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