L’Etoile Filante : quand le moteur à turbine s’invite dans une voiture
L’après 2ème guerre mondiale restera pour l’automobile une période forte dans le domaine de la recherche et de l’innovation. L’étude d’une voiture propulsée par un moteur à turbine en est l’exemple. Si Rover, avec sa Jet 1 est la 1ère marque à faire rouler une voiture à turbine, ce ne sera pas le seul constructeur à plancher sur le sujet. Renault va lui aussi se lancer dans une telle étude en fabricant une voiture qui s’attribuera plusieurs records internationaux de vitesse. Retour sur l’histoire de celle que l’on nommera l’Etoile Filante.
Une alliance Renault/Turbomeca
C’est au début des années 50 que Turbomeca, société spécialisée dans la fabrication de turbines pour avions, propose à la régie Renault de lancer l’étude d’un véhicule équipé d’un moteur à turbine. Même si Pierre Lefaucheux, le PDG du groupe, n’est pas emballé par ce projet, il imagine qu’une telle auto pourrait s’attaquer au record du monde de vitesse et être un bon vecteur de communication au moment où la régie s’apprête à lancer la Dauphine.
En 1954, l’étude est confiée à Fernand Picard, directeur des études à la régie, Albert Lory, ingénieur motoriste et Jean Hébert, pilote et ingénieur.
La motorisation est travaillée en étroite collaboration avec les ingénieurs de Turbomeca. Il en résulte un moteur à turbine développant 270cv gavé au kérosène avec une vitesse de rotation de 28000 tours/minute.
La transmission utilisée sera celle que l’on retrouvera sur les Frégate sous l’appellation Transfluide. Les freins sont à disques. Ils assurent seuls le ralentissement de la voiture, le frein moteur n’existant pas avec une telle motorisation.
Le châssis tubulaire étudié permet l’installation de la turbine immédiatement derrière le cockpit du pilote. La carrosserie en polyester, très légère, est particulièrement bien profilée puisqu’elle propose un CX inférieur à 0,2.
La voiture est présentée en 1956 à la presse, sur l’autodrome de Montlhéry.
Les essais vont se dérouler pendant plusieurs semaines à Montlhéry, sur le circuit de Reims/Gueux mais aussi en Italie sur l’Autodrome de Monza. Une version cockpit fermé est étudié, mais elle ne sera pas retenue.
Direction les US et le lac salé de Bonneville
C’est aux Etats-Unis, sur le lac salé de Bonneville que la voiture est envoyé pour ces tentatives de record du monde de vitesse. Il s’agit, bien entendu, de s’attaquer aux records propre à sa catégorie de voiture de moins de 1000kgrs.
Le 5 septembre 1956, l’exploit a lieu. Après avoir été tractée sur son point de départ par un pick up, l’Etoile Filante avec Jean Hébert à son volant, va se lancer pour un run d’une dizaine de kilomètres qui va lui permettre de battre le record absolu de vitesse pour une voiture de moins de 1000kgrs en atteignant la vitesse moyenne de 308,85km/h. Il bat au passage les records des 5 km, des 5 miles ainsi que celui du miles pour une voiture à turbine.
Persuadé qu’il peut améliorer ce record, une vitesse de 322km/h a été lue sur le compteur figurant dans la voiture lors de son 1er run, Jean Hébert souhaite réaliser une nouvelle tentative le lendemain. Malheuresement, un problème sur la turbine l’empêche de le faire.
Les retombées publicitaires sont immédiates pour la régie. Les journaux s’emparent de l’exploit qui va faire les gros titres de plusieurs d’entre eux.
Un soufflé vite retombé.
Renault, qui vient de lancer sa Dauphine à l’export, fait reposer sa communication sur cet exploit. Afin de présenter la voiture chez les concessionaires ou à l’occasion de salons, une 2ème carrosserie et montée sur un châssis. Cet exemplaire est non focntionnel puisque dénué de tout moteur. C’est lui que l’on pourra admirer à New York, Francfort et qui terminera son périple à l’exposition de Mexico en 1958. Il est encore de nos jours au Mexique, toujours sans mécanique.
L’expoitation du moteur à turbine dans le monde de l’automobile n’ira guère plus loin. Les contrariétés techniques, trop nombreuses, ne permettront pas aux constructeurs de poursuivre dans cette voie.
L’étoile filante aura quand même eu le mérite de rapprocher le monde de l’aéronautique de celui de l’automobile, permettant à ce dernier de faire des progrès considérables dans de nombreux domaines.
Le seul exemplaire roulant est aujourd’hui dans la collection Renault. On peut le voir régulièrement dans le cadre de nombreuses manifestations.
Crédit photos : Pinterest, Renault Group, INA