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Ferrari 156 : quand la Scuderia adopte le moteur en position arrière

Ferrari 156 : quand la Scuderia adopte le moteur en position arrière

Si en 1958, Mike Hawthorn gagne le titre pilote au championnat du monde de Formule 1 sur une Ferrari à moteur avant, les observateurs perçoivent très vite que l’on arrive à la fin d’un cycle. L’agile Cooper Climax à moteur arrière a fait son apparition et fait courir un vent de panique, parmi les écuries favorites, en gagnant les deux premiers grands prix de la saison. Elle confirme les deux années suivantes en remportant les titres pilotes et constructeurs grâce à Jack Brabham. Ferrari se doit de réagir. Il le fait en 1961 avec la 156.

Quand Enzo Ferrari fait de la résistance.

 

Pour le Commendatore, il n’y a pas de doute à avoir. Une bonne voiture se doit d’être puissante et d’avoir le moteur à l’avant, partant du principe que l’on n’a jamais vu des boeufs pousser une charette. Mais voilà, les petits « garagistes » anglais, sobriquet dont Enzo Ferrari a affublé les constructeurs britanniques, vont lui montrer, sur la piste, qu’une voiture, plus agile avec un moteur placé à l’arrière, peut être sacrée championne du monde même si elle est moins puissante que certaines de ses concurrentes. Si Carlo Chiti, l’ingénieur motoriste Ferrari, l’a très bien compris, le plus dur reste à faire: convaincre le Commendatore.

Ce sera chose faite en 59. C’est à partir de l’étude d’un châssis récupéré sur une Cooper que les hommes de la Scuderia vont transformer une Dino 246 en faisant passer son moteur de l’avant vers l’arrière. Au Grand Prix de Monaco 1960, c’est Richie Ginther qui est chargé de conduire la 246P dont c’est le premier test grandeur nature.

Ferrari 246P Richie Ginther Monaco 1960

Il ne s’en sort pas trop mal puisqu’il gagne le point de la 6ème place alors que son coéquipier Phil Hill sur une 246classique termine 3ème.

Mais la voiture ne fait pas l’unanimité. Les reproches portent essentiellement sur un équilibre médiocre, les pilotes/essayeurs le trouvant trop porté sur l’arrière.

Mais Ferrari a une deuxième carte à jouer. C’est en en 1957 qu’est apparu la Dino 156F2. Elle est motorisée par un V6 en position arrière issu des travaux menés par Vittorio Jano et Alfredino Ferrari. Ouvert à 65°, il délivre 180cv. Peu utilisé en course, il va servir de base à Chiti pour son nouveau projet de F1 à moteur arrière.

Ce moteur tombe d’autant mieux que, pour la saison 61, le règlement du championnat du monde de Formule 1 va évoluer. Exit le 2.5l, place à une cylindrée fixée à 1500 cm3 maximum, 1300 cm3 minimum. 

Et Ferrari rafle la mise.

 

Le V6 est retravaillé par Chiti avec, notamment, une nouvelle culasse lui donnant quelques chevaux de plus. Essayé par von Trips sur plusieurs courses, il ne convaincra pas totalement l’ingénieur motoriste. Celui-ci décide alors de construire un nouveau moteur. Partant de ce V6 à 65°, il élabore un V6 à 120° permettant d’abaisser au maximum le centre de gravité de la voiture.

La puissance grimpe à 190cv ce qui est environ 20cv de plus que la concurrence qui s’apprête à rivaliser avec Ferrari pour le championnat 61. Equipée de quatre freins à disques, ceux arrières in board, elle possède une boite 5. Son museau renferme le radiateur bien ventilé par deux ouvertures. Son avant, ressemblant à un nez de requin, la faisant vite appeler  

156 F1« Sharknose ».

Autre avantage pour la Scuderia, les écuries anglaises n’ont pas suffisamment anticipé la nouvelle règlementation, persuadées que la fédération reviendrait sur sa volonté de changement. Erreur fatale que les britanniques vont payer cash.

C’est par le GP de Monaco que la saison commence. Si Ginther se retrouve sur la première ligne avec le 2ème temps, il est entouré par deux Lotus Climax pilotées par Moss et Clark.

Ginther réussi le départ parfait et mène tout le début de course. Moss dépasse l’américain au 14ème tour et va conserver la tête jusqu’à la fin, terminant avec 3’’ d’avance sur la Ferrari. Hill complète le podium sur sa 156 F1, von Trips apportant à la Scuderia la 4ème place.

La victoire n’est certes pas au rendez-vous, mais les résultats obtenus par les trois voitures engagées par Maranello sont très encourageants.

               Ferrari 156 F1 Wolfgang von Trips Monaco 1961

Tout va se précipiter dès le 2ème GP du calendrier. Aux Pays-Bas, von Trips l’emporte devant son coéquipier Phil Hill, Ginther terminant 5ème.

Mieux, en Belgique c’est à un quadruplé Ferrari que l’on assiste. Hill gagne devant von Trips, Gintheret la 156 de Gendebien prêtée par Ferrari

            Ferrari 156 F1 Gendebien Spa 1961

Le épreuves suivantes ne vont que confirmer la suprématie des voitures de Maranello.

En France, c’est un jeune pilote italien engagé par la Scuderia qui créé la surprise en remportant la victoire. En effet, Giancarlo Baghetti participe à Reims à son premier GP. Il domine Dan Gurney sur sa Porsche de 1/10 de seconde.

La course s’est déroulée dans des conditions très difficiles, le goudron ayant tendance à fondre sous la chaleur du soleil.

En Grande-Bretagne, c’est de nouveau un triomphe pour Ferrari qui s’offre un triplé, von Trips devançant Hill et Ginther.

Si en Allemagne, sur le long tracé du Nürburgring, Moss fait à nouveau parler la poudre en dominant vonTrips et Hill, ce dernier remporte à Monza une victoire qui lui permet de coiffer le titre de champion du monde des pilotes.

Malheureusement, la victoire de l’américain est amère. Avant le départ de la course, les données au classement général plaident en faveur de von Trips qui mène le championnat devant son coéquipier. C’est l’allemand qui domine les essais, Hill devant se contenter de la 4ème place. 

Après un départ raté, au deuxième tour de la course, alors que les voitures sont encore en peloton, vonTrips s’accroche avec la Lotus de Jim Clark. La 156 s’envole alors en direction des balustrades où sont massés les spectateurs en tuant 14 sur son passage. vonTrips a été éjecté de sa voiture et gît le long de la piste. Il ne se relèvera jamais et décède sur place.

Accident de von Trips Monza 1961

Alors que cela aurait du être une grande fête pour les tifosi, la tristesse est de mise. Malgré le titre pilote et celui, une première pour Ferrari, des constructeurs, personne n’a envie de célébrer une si triste victoire.

Les titres déjà en poche et en mémoire de von Trips, Ferrari déclare forfait pour le dernier GP de la saison se déroulant aux US. Pour l’anecdote, il verra Innes Ireland l’emporter sur sa Lotus.

La chute avant le rebond.

 

En 62, Ferrari aligne à nouveau ses 156 en championnat. Mais entretemps, la concurrence a eu le temps de réagir. Ce sont des Lotus, BRM ou Cooper très affutées qui vont dominer une voiture dépassée malgré l’arrivée d’une boite 6.

63 ne sera guère mieux, Surtees parvenant à sauver l’honneur de la Scuderia en gagnant au Nürburgring, remportant au passage sa première victoire en GP F1.

Il faudra attendre l’arrivée de la 158 pour voir Ferrari remporter en 1964 un nouveau titre pilote avec John Surtees. Trois victoires, dont une de Bandini en Autriche sur une 156 Aero qui a perdu son nez de requin, permettront à la Scuderia de gagner également son 2ème titre constructeur.

Ferrari 156 F1 Sharknose. Hill devant Ginther au GP de Grande Bretagne 1961

Crédit photos :Pinterest, Promotipo, archives Ferrari, sfcriga

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