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‍Gérard Ducarouge : un talentueux homme orchestre 

Gérard Ducarouge aura marqué de son empreinte le monde de l’endurance et de la F1. Brillant « homme orchestre », parfait organisateur doublé d’un technicien de grand talent, il reste à ce jour l’un des « directeurs techniques » les plus reconnus. Pourtant, c’est un peu par hasard qu’il est arrivé dans le milieu de la compétition. Retour sur une carrière hors-normes.

Des débuts en fanfare chez Matra.

   

JL Lagardère et G Ducarouge

Né en octobre 1941 à Paray-le-Monial, c’est d’abord le domaine de l’aviation qui l’attire.Il entreprend des études d’ingénieur à l’Ecole Supérieure des Techniques Aérospatiales et décroche un job à Nord-Aviation. Cette première expérience va être de courte durée. Il se rend vite compte que la vie de bureau d’études n’est pas tout à fait celle qu’il souhaite et s’engage en 1966 dans la grande aventure Matra. JP Beltoise vient de gagner à Reims en F3 sur une MS5 et tout pousse à croire que les couleurs françaises vont bientôt flotter, à nouveau, sur les podiums.

Ignorant tout du monde de l’automobile et de la course en particulier, il doit tout apprendre et faire ses preuves. 

Il possède l’avantage, non négligeable, de parler anglais ce qui lui permet de se voir confier des missions en Angleterre chez le fournisseurs de moteurs des Matra : BRM.

En parallèle, il continue à  « apprendre sur le tas », n’hésitant pas à passer le plus de temps possible dans les ateliers. En 1968, il est nommé « chef d’exploitation » de l’équipe Sports Prototypes. Chargé de coordonner le travail de l’ensemble des services, il fait le lien entre eux et veille à l’avancement des projets.

A ce poste, il va avoir un rôle primordial dans les résultats de l’équipe en endurance.

Le Mans 1972 Matra MS670 Pescarolo/Hill

Remarquable organisateur, Gérard Ducarouge, bien encouragé et soutenu par JL Lagardère, va, avec une bande de pilotes talentueux, permettre à Matra de remporter 3 fois de suite les 24 Heures du Mans en 72/73/74. L’équipe de Vélizy, forte de ses nombreux succès acquis sur tous les circuits du monde, remporte le titre constructeur en 1973 et 1974 en raflant, la 2ème année, 9 victoires sur les 10 possibles.

A la fin de cette formidable saison, JL Lagardère, le charismatique patron de Matra, décide d’abandonner les sports-prototypes. Ne se voyant pas retourner au sein d’un bureau d’études, Ducarouge décide de rejoindre l’équipe de Guy Ligier qui a décidé de se lancer dans le grand bain de la Formule 1.

Les années Ligier 

Trio de choc chez Ligier : Guy Ligier, Jacques Lafitte, Gérad Ducarouge

En ce milieu des années 70, les écuries britanniques dominent la F1. Puisant dans son expérience Matra et avec quelques hommes venus de Vélizy, la toute nouvelle écurie française va partir à l’assaut du bastion anglais. Très porté sur l’aérodynamisme, innovant, Ducarouge, désormais dans le rôle de directeur technique, s’impose au sein d’une équipe motivée. Si 1976 est une année d’apprentissage, 77 voit la première victoire d’une voiture 100% française : châssis, moteur, pilote. Laffite s’impose en Suède et apporte à Ligier une forme de consécration.

Ligier JS7  Jacques Laffite. Monaco 77

Si 78 n’est pas une année mémorable pour le constructeur de Vichy, il va en être tout autre de 79. Le début de saison de la JS11, motorisée maintenant pas le V8 Cosworth, va être sensationnelle puisque Lafitte gagne en Argentine et au Brésil alors que Depailler s’impose en Espagne. Tout le monde voit déjà un pilote français champion du monde. Malheureusement, la concurrence rattrape vite son retard et la fin de saison s’avère plus compliquée. Lafitte échoue à la 4ème place au championnat pilote alors que Ligier termine 3ème au classement des constructeurs.

Ligier JS11 1979. Jacques Lafitte

L’année suivante, Pironi a rejoint Lafitte au volant de la nouvelle Ligier. Mais Williams est trop fort et l’homme au casque noir doit se contenter de la 4ème place au classement final des pilotes alors que Ligier monte sur la 2ème marche du podium chez les constructeurs.

81 sera une année « contrastée » pour Ducarouge. Si Lafitte reste dans la course au titre jusqu’à la dernière course avec deux victoires à son compteur (Autriche et Canada) sur une JS17 qui a retrouvé son V12 Matra, Ducarouge se trouve remercié par Guy Ligier le week-end du GP d’Angleterre alors que Lafitte vient de terminer 3ème. Pas facile d’en connaître la raison, si ce n’est que le boss de l’écurie considère qu’il est nécessaire de redynamiser l’équipe ce qui passe par le départ de son directeur technique.

Ligier JS17 Jacques Lafitte

Direction Alfa Romeo

Depuis son arrivée chez Ligier, la réputation de Ducarouge n’a fait que monter et c’est sans difficulté qu’il rebondit dans une écurie qui n’est pas au mieux de sa forme : Alfa Romeo.

Malheureusement, la cohabitation avec Carlo Chiti, directeur général d’Autodelta, le département course d’Alfa, ne va pas se passer comme prévu. De suite, Chiti voit d’un mauvais oeil toutes les initiatives du français et n’a de cesse que de s’opposer à lui. La guerre entre les deux hommes va tourner court assez rapidement puisque Ducarouge est remercié en juin 83 au cours des essais du GP de France, De Cesaris est disqualifié au prétexte d’un extincteur vide lorsque les commissaires viennent contrôler sa voiture. Pourtant les progrès entre la 179 et la 182 étaient notables et à mettre en grande partie à l’actif de Ducarouge. 

Alfa Romeo 182T. Mauro Baldi

 

Rebond gagnant chez Lotus

Sollicité par Colin Chapman quelques temps avant son décès, c’est vers l’Angleterre que le français trouve refuge. C’est un vrai challenge pour lui, l’équipe anglaise n’étant plus que l’ombre de son prestigieux passé. Il faut attendre 85 et l’arrivée simultanée de la Lotus 97T et d’Ayrton Senna à son volant pour voir enfin la firme d’Hethel remonter la pente.

Lotus 97T Ayrton Senna

Senna s’impose à Estoril et Spa tandis que son coéquipier De Angelis gagne à Imola. L’équipe est enfin redevenue compétitive et Ducarouge, qui a tissé des liens profonds avec le brésilien, espère bien lui permettre de remporter un premier titre pilote. 

86 n’est pas une mauvaise saison pour Lotus avec des victoires de Senna en Espagne et à Détroit. Mais les monoplaces aux couleurs JPS ne peuvent rien contre les Williams et les McLaren qui bénéficient d’un moteur beaucoup plus performant que le Renault qui équipe la voiture du jeune brésilien.

En 87, la 99T est cette fois motorisée par Honda. 2 victoires, à Monaco et Détroit sauvent la saison du Team Lotus, mais Senna doit se contenter d’une 3ème place au championnat, tout comme son écurie chez les constructeurs.

Le départ de son pilote fétiche chez McLaren va être fatal à Lotus et à Ducarouge. L’équipe anglaise manque de finances pour assurer le développement de ses voitures dont les performances stagnent. De plus, Piquet, qui vient de remplacer son compatriote au volant de la nouvelle Lotus 100T, n’est pas non plus au mieux de sa forme, conséquence de son grave accident de Monza. 

Lotus 100T. Nelson Piquet

Les résultats ne sont pas au niveau attendu, et Ducarouge quitte l’équipe anglaise devant les difficultés à obtenir les moyens susceptibles de faire face à une concurrence beaucoup mieux armée.

Une fin de carrière en semi teinte

Larrousse, qui vient de fonder sa propre écurie, lui demande de venir donner un coup de main à sa nouvelle équipe. L’expérience tourne court rapidement, le manque de moyens financiers, là aussi, finit par avoir raison de la patience de Ducarouge.

Il rebondit chez une vieille connaissance puisqu’il répond à l’appel du pied de Guy Ligier avant que ce dernier revende son écurie à Cyril de Rouvre. Ce ne sera alors qu’une suite de désillusions. Alors que la saison 94 reprend, la situation de l’équipe est de plus en plus inconfortable. Mais c’est un évènement tragique qui va décider de l’avenir de l’ingénieur français en Formule 1. Le 1er mais 94, à Imola, son ami Ayrton Senna est victime d’un accident fatal au volant de sa Williams. C’est le déclic pour Ducarouge qui prend la décision de se retirer du monde de la compétition.

Il travaille dans un premier temps sur le développement du Renault Espace F1 avant d’intégrer, au sein du groupe Matra, le Développement International de la marque.

Gérard Ducarouge décède en février 2015 à l’âge de 74ans. Disparaît alors un des plus brillants « homme orchestre » que le monde de la compétition automobile ait connu.

Gérad Ducarouge, Hockenheim 1984.

Crédit Photos : Pinterest, MC, StatsF1

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